QUATUOR est mon nouveau roman. Une histoire que j'espère vivante, haletante et finalement poignante.
Bonjour
Quatre héros et quatre mouvements. Le quatuor classique est une sonate pour quatre solistes. Eloïse est une économiste réputée. Alphonse est violoncelliste. Chloé est une activiste des plateaux de télévision. James est un journaliste de la presse écrite. Leurs vies et leurs destins sont bouleversés en quelques mois. Une affaire de corruption vient d’éclater. Des répercussions diplomatiques agitent les gouvernements et la presse. L’actualité conduit nos héros de Paris à Londres, à Dresde, à Venise, à Rome, en Nouvelle-Angleterre. Le lecteur est transporté au sein d’une rédaction, dans les plus belles salles de concert, au contact des membres du gouvernement, alors qu’une grande institution internationale est la cible d’un lanceur d’alerte obstiné. Le quatuor doit faire des choix, malgré l’incertitude des sentiments et les risques professionnels. La fin est inspirée par le dernier mouvement du quatuor n°16 de Beethoven, le plus émouvant.
Je joins à cette lettre quelques pages de QUATUOR, qui est disponible en librairie à partir du 9 juillet.
Mon éditeur a publié JUNGLE EN MULTINATIONALE en septembre dernier. C’est une manière de thriller au sein d’un groupe hôtelier pan européen lors d’une crise qui met en danger les actionnaires et le management. On ne s’y fait pas de cadeaux!
En février dernier, la même maison a publié UN ETRE LIBRE, le voyage d’un entrepreneur facétieux et irrésistible qui décide de créer une nouvelle entreprise dans la mode, avec l’aide d’un séduisant mannequin, au mépris de l’âge et des convenances.
Bonnes lectures d’été!
JJD
Quelques lignes empruntées à QUATUOR
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Ils sont dans un taxi. James a mis une cravate. Discrètes rayures club. Le directeur du journal où il travaille porte un costume sombre. Ils ont un rendez-vous important. Ce n’est guère fréquent d’être convié à un déjeuner privé au ministère des Affaires étrangères. Il y aura certainement quelques confrères. On aura des propos off the record. A utiliser avec parcimonie.
Dans le salon d’attente aux lambris dorés, l’huissier à chaine qui les a introduits leur demande de patienter quelques minutes. L’attachée de presse arrive presque en courant, dans un frou-frou de satin noir, survoltée comme à son habitude. Le ministre raccompagne l’ambassadeur du Togo et n’en a que pour quelques instants. Le dircab entre, serein et prévenant. Déjà une allure de ministrable pense aussitôt James, qui le rencontre de temps en temps. Le directeur du journal en a vu d’autres, rien ne l’impressionne plus. Il préfère bavarder avec le propriétaire d’un hebdomadaire qu’il connaît bien et qui vient d’arriver, accompagné par son responsable de l’international. On est du même monde. Et on ne sait jamais. Paris est un village et beaucoup de promotions sont le résultat d’un jeu de chaises musicales.
Le ministre paraît. Il est assez grand. Il porte beau. Il ne semble pas épuisé par ses responsabilités. On n’a pas le temps de prendre un verre. On passe directement à table. Le temps est compté. On sait que le menu du déjeuner sera classique et banal. Le médaillon de langouste trop froid. Le ris de veau tiède. Le gâteau au chocolat arrosé d’une crème anglaise un peu lourde. Heureusement, le verre de Sancerre et surtout le grand et vieux Bordeaux sont délicieux. James aimerait en avoir encore. Il n’ose pas demander. Les hôtes ne boivent que de l’eau. Avec ostentation.
Les banalités d’usage sont vite expédiées. Le ministre rappelle qu’il s’agit d’un déjeuner privé. Entre amis. Tout ce qui sera dit doit rester off the record. James pense qu’il fera le tri plus tard, des informations vraiment confidentielles et de celles qu’on leur livre pour qu’ils les répètent.
Jusqu’au ris de veau, on parle de la conjoncture internationale. Des difficultés avec Londres. De la nécessité de bousculer la BCE qui n’en fait qu’à sa tête. Normal, pense James, puisque l’institution est indépendante. Des opérations en Afrique, qui coûtent très cher pour un maigre résultat. De Washington, qui se mêle de tout sans qu’on comprenne vraiment ce qu’ils recherchent. De Moscou qui imite Washington, en intervenant sur plusieurs théâtres d’opération à la fois, avec des moyens lourds. Mais qui retire ses billes dès que la situation devient risquée. Qui préfère la guerre de l’ombre, moins chère et souvent plus efficace. Ce que nous ne nous permettons pas. La langue de bois habituelle.
Bien qu’on soit en présence des personnes les mieux informées qui soient, ce n’est en réalité qu’une discussion de café du commerce. James avait dit un jour à son rédacteur en chef que le niveau de pensée de ce petit monde était très étriqué. Son patron avait expliqué qu’il se trompait. Il n’est pas utile d’être lumineux pour faire ce métier. Pas plus que pour n’importe quel employé, et n’importe quel métier. Il avait ajouté également qu’il fallait toujours se souvenir que, pour son valet de chambre, il n’y avait pas de grand homme. James avait retenu la leçon. Il y avait puisé sa tranquillité et sa distance face aux individus les plus prestigieux et aux circonstances les plus exceptionnelles.
Le vrai sujet du déjeuner est enfin abordé. Le ministre commence par résumer son parcours personnel. Les origines modestes de sa famille. Sans insister sur son côté brillant de haut fonctionnaire. James pense à ce film si drôle qu’il avait vu avec sa mère. Michel Serrault répétait sans fin : « fils d’ouvrier, ouvrier moi-même ». Il finissait par séduire les électeurs. James n’est pas souvent persifleur. Mais il comprend que le ministre demande le soutien de ses amis de la presse, soutien qu’il est difficile de garantir.
Le propriétaire de l’hebdomadaire n’a pas l’obligation de rendre compte à des actionnaires. Il connaît tout Paris. Il n’a pas la retenue que les lieux devraient imposer. Il demande : quels sont vos atouts. Vous n’avez jamais été élu. Vous avez toujours été dans l’ombre du Président. Vous n’apparaissez pas dans les cotes de popularité qu’on publie chaque mois. On peut vous y mettre, mais vous pourriez être déçu. Comme si le ministre n’y avait pas pensé. Le dircab et l’attachée de presse regardent leur assiette.
James pense que le ministre est encore jeune. Il peut continuer à construire son parcours. Aller au charbon. Exprimer son potentiel, comme dit le directeur des ressources humaines du journal. Quoi qu’il arrive, il ne sera jamais vraiment malheureux. Il appartient à la fonction publique, qui ne le lâchera pas. C’est statutaire. S’il n’arrive pas à ses fins, il y aura toujours un conseil d’administration pour l’accueillir. Un comité international de grand groupe industriel. Un contrat pour la publication d’un éditorial dans un hebdomadaire. Il pourra écrire ses mémoires. Faire des ménages, comme dirait Chloé.
Chloé qui adorerait être ici. Que James retrouvera ce soir. A qui il ne dira rien.
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