Mon 2ème roman en librairie
Bonjour
UN ETRE LIBRE est l’aventure d’un entrepreneur optimiste et facétieux qui doit rejoindre une clinique suisse pour une cure de rajeunissement dont il n’a nul besoin. Le voyage est l’occasion de rencontres et de fantaisies. Et pourquoi pas prendre l’initiative de créer une nouvelle entreprise avec une ancienne collaboratrice qui est aussi finlandaise et mannequin ? On est entrepreneur toute sa vie…
C’est aussi une leçon donnée au petit-fils de notre héros : il faut user de sa liberté pour décider soi-même de son sort. Avec humour bien entendu.
En librairie, et également chez Amazon et FNAC.
Mon précédent roman, JUNGLE EN MULTINATIONALE, poursuit son chemin; Il est même candidat au Goncourt du premier roman.
Ci-après, un petit extrait tiré d’UN ETRE LIBRE.
A bientôt
JJD
Grégoire : Tu vas bien vite ! On est déjà en Bourgogne ?
Les vieux sont comme les animaux dans la savane. Ils ne dorment que d’un œil. Grand-Père Grégoire vient d’avoir une idée. Il veut faire un arrêt à Epoisses. Sortir de l’autoroute. Se dégourdir les jambes.
Grégoire : On va montrer un joli château à Muguette. Et c’est l’heure du goûter.
Jacques se laisse guider. Grégoire connaît le village. On s’arrête un instant devant les grilles du joli château promis. Il y a encore des murs de fortification, mais c’est surtout une agréable demeure campagnarde. Grégoire a un autre but. On prend une petite rue et on se gare. Il faut marcher un peu. Le grand-père explique qu’il ne faut pas montrer la grosse voiture. Ce serait déplacé. Ils entrent dans un petit café. La devanture est décrépie. L’intérieur est gris et sombre. Un beau zinc d’autrefois. Quelques tables en fer. Un poêle à bois antique, noirci par un siècle de suie. Un vieux téléphone sur le comptoir. Le calendrier des postes. Des photos jaunies punaisées aux coins d’un miroir doré. Personne.
L’hôtesse apparaît après qu’ils se sont installés. C’est une belle femme enjouée, qui s’excuse bruyamment, ravie de voir du monde en cette fin d’après-midi. Grégoire est déjà venu ici, après la guerre, avec son père.
Grégoire : Le café n’a pas changé. Vous avez peut-être repeint les murs. Il y avait des vieux qui jouaient aux cartes. Ils avaient fait 14-18 mais ils étaient trop âgés pour la dernière. Ils avaient des moustaches longues et blanches, comme au siècle d’avant. Des bleus de travail. Des bérets sur la tête. Ils buvaient du vin rouge. J’étais plus jeune alors que mes élèves aujourd’hui. J’ai promis de leur montrer un endroit authentique. Quand je suis venu ici avec mon père, j’ai goûté d’un casse-croûte de pain et de fromage. On avait trinqué avec les anciens combattants. Au deuxième verre, j’avais du mal à tenir debout et je les ai fait rire.
L’hôtesse : Alors, vous avez sûrement connu mon grand-père. Il devait être plus vieux que vous ne l’êtes, maintenant. Ce sont vos élèves ? Vous êtes professeur ?
Grégoire : Non, je suis dans le prêt- à- porter. Enfin, avant d’être mis en retraite. Alors, nous voyageons.
L’hôtesse : On voit bien que vous n’êtes pas d’ici, avec votre parler parisien. Et la petite dame a un accent que je ne remets pas. Elle n’est pas d’ici non plus. Vous avez travaillé pour quelle marque ?
Grégoire : Vous ne pouvez pas connaitre. C’était une petite affaire. J’étais à mon compte. Comme vous. On est bien plus libre quand on est son propre maître. Quant à Mademoiselle Muguette, elle vient de l’étranger.
L’hôtesse : On a des étrangers ici. Ils viennent en Bourgogne pour le vin et dans notre village pour le fromage. Je vous mets des verres et un fromage ?
Grégoire est ravi. Il sort un joli canif de sa poche. Le manche est en bois d’ébène. Il explique à Muguette, médusée, qu’il s’est offert ce joli couteau après avoir visité l’atelier de l’artisan qui l’a fabriqué, sur mesure, à la taille de sa main. Il prétend que même chez Hermès on ne trouve pas un si bel objet. Mais à voix basse, pour rester discret.
L’hôtesse : Les enfants prennent-ils du rouge ?
Jacques conduit. Il n’aura qu’un café. Un café filtre à l’ancienne, du temps d’avant les percolateurs italiens. Muguette souhaite un chocolat. Ce n’est pas tout à fait l’endroit pour une telle demande. Elle comprend trop tard et s’excuse.
Muguette : Je vais essayer le fromage et le vin du patron. Ce n’est pas tous les jours qu’on visite Epoisses.
L’hôtesse : Quand vous étiez venus, est-ce que mon grand-père vous avait raconté comment il a été blessé ? Il ne disait rien des tranchées, ni des malheurs de ces pauvres soldats qu’on envoyait au massacre. Comme si c’était possible d’oublier à condition de n’en parler jamais. Mais il racontait toujours comment il avait sauvé le vin du régiment. Ce qui lui a valu une vilaine blessure au bras et une médaille. Nous avons toujours la médaille. Je vous la montrerai si vous avez le temps.
Grégoire : Je ne me souviens pas de cette histoire. D’ailleurs je n’étais pas très frais quand je suis venu chez vous. Je ne me souviens de rien.
L’hôtesse : Mon grand-père était caporal. C’est presque comme simple soldat. Il avait pratiquement fini son service militaire en Lorraine quand la guerre est arrivée. Après trois ans de service, il a eu droit à quatre ans de guerre. Il a tout fait. L’arrière, le front, les tranchées. C’était un malin. Il est passé à travers les gouttes. J’ai une photo de lui en uniforme, avec cet air madré qu’il avait. Et les grandes moustaches. On envoyait les portraits aux familles. S’ils y restaient, elles avaient un souvenir. Il parlait toujours de sa dernière mission. Garder le vin du régiment. C’étaient des tonneaux de piquette qu’ils distribuaient avec beaucoup de précautions car le vin était rare et les hommes en manquaient. Il y avait aussi du rhum pour les grandes occasions. Comme pour sortir des tranchées et monter à l’assaut. Mon grand-père était bourguignon. Alors il était devenu responsable du vin.
Grégoire : Il avait de la chance. Souvent on ne gardait pas son métier pendant son service. Quand on avait besoin d’un coiffeur et qu’on n’en avait pas un sous la main, on prenait le premier venu, un boucher par exemple, et il devenait coiffeur. Ne riez pas, Muguette. Je n’invente rien. Alors, Madame, qu’est-il arrivé ? Il s’est blessé en manipulant les tonneaux ?
L’hôtesse : Vous y êtes presque. Il y a eu une attaque. Ils recevaient des obus sur la tête. Il fallait déguerpir et se regrouper plus loin. Enfin, quelque chose de ce genre. Le grand-père ne pouvait pas suivre avec ses tonneaux. Il les a planqués comme il a pu dans un trou de bombe. Ils ont été recouverts de terre. Il en a sauvé quelques-uns. Comme il ne s’était pas mis lui-même à l’abri, il a reçu un éclat d’obus dans le bras. Plus tard, à l’hôpital, on lui a mis une plaque de métal vissée sur son os pour qu’il garde son bras. Mais les copains ont retrouvé le vin. Qu’il avait sauvé en prenant beaucoup de risques. On lui a donné la médaille. Cette histoire est la seule chose qu’on a pu tirer de lui sur la guerre. Il ne voulait pas parler de toutes ces années gâchées.
Grégoire : Trinquons à votre grand-père et au vin de Bourgogne ! Mais il nous faut reprendre notre route.
L’hôtesse : Où allez-vous ?
Grégoire : Nous n’avons pas de but pour notre voyage. On va où le vent nous porte. On a le temps. Mes élèves apprennent la philosophie de la vie le long de la route, en quelque sorte.
Jacques fait un clin d’œil à son coquet de grand-père qui ne veut pas expliquer qu’il voyage avec son infirmière pour être enfermé bientôt dans une clinique de vieux.
On a rejoint l’autoroute et les kilomètres défilent dans la chaleur accumulée de la journée. Grégoire ne veut pas de la climatisation. Il a entrouvert sa vitre. Il respire les odeurs de la campagne.